Etude sur le journalisme en Suisse : de moins bonnes conditions mais un intérêt identique pour ce métier
D’après une étude menée par l’Université des sciences appliquées de Zurich ZHAW et financée par le Fond National Suisse FNS, les journalistes suisses sont dans l’ensemble satisfaits de leur profession. 74% des personnes interrogées continueraient à recommander le métier de journaliste à leur entourage, bien que la crise des médias rende les conditions de travail de plus en plus précaires. Voici ce que révèle un sondage effectué auprès de journalistes de toute la Suisse par l’Institut des sciences médiatiques appliquées de la ZHAW, en collaboration avec l’Université de Neuchâtel. Plus de 900 professionnels des médias issus de plus de 200 rédactions, toutes régions linguistiques, tous types de médias et tous échelons hiérarchiques confondus, ont répondu à un questionnaire en ligne au sujet de leur profession.
Des reporters neutres plutôt que des acteurs politiques
Les journalistes remplissent une fonction importante pour la société. «Dans un contexte de démocratie directe, leur travail influence considérablement l’orientation et la formation d’opinion des citoyens», selon Vinzenz Wyss, spécialiste des médias et directeur d’études de la ZHAW. Au cours des dernières années, la vision qu’ont les journalistes de leur propre rôle n’a quasiment pas changé, malgré un paysage médiatique en plein bouleversement. Le journaliste suisse moyen ne se considère pas tant comme un acteur politique que comme un reporter neutre qui s’efforce de présenter les choses de la manière la plus objective possible. Seule une minorité de journalistes estiment que leur rôle consiste à influencer l’agenda politique, ou encore à se positionner comme critiques de l’économie ou du gouvernement. Cette vision plus «engagée» du métier est plus répandue parmi les journalistes de Suisse latine que parmi ceux de Suisse alémanique.
Globalement, les journalistes suisses couvrent la totalité du spectre politique, mais le journaliste moyen se situe légèrement à gauche du centre. Ceci vaut également pour les journalistes de la SSR par exemple. Les femmes, quant à elles, ont tendance à se positionner encore plus à gauche que les hommes. Selon Wyss, ces résultats s’expliquent notamment par la fonction de critique et de contrôle du journalisme, consistant à questionner les dynamiques de pouvoir en place.
Un manque de confiance dans les partis et les politiciens
Alors que le système judiciaire (60%), la police (48%) et le Conseil fédéral (47%) semblent inspirer une confiance assez solide aux professionnels des médias, les politiciens (7%) et les partis (6%) s’en sortent moins bien. Une proportion importante des personnes interrogées fait confiance aux médias en tant que tels (46%), mais manifeste malgré tout une profonde inquiétude quant à la réputation de ce secteur.
De plus, les conditions de travail se sont nettement détériorées. On attend des journalistes qu’ils travaillent toujours plus alors qu’ils disposent de moins de temps pour approfondir leurs recherches sur un sujet. En revanche, quatre personnes sur cinq indiquent bénéficier d’une grande liberté dans le choix de leurs sujets. Par ailleurs, l’éthique professionnelle tient également à cœur aux journalistes, dont la grande majorité s’oppose à exercer une pression sur ses informateurs, ou encore à exploiter des documents personnels sans autorisation. À l’inverse, la même proportion considère comme légitime d’avoir recours à des caméras cachées ou d’exploiter des documents confidentiels provenant de gouvernements ou d’entreprises.
Un peu moins de la moitié des sondés sont rattachés à des départements thématiques tels que la politique, le sport ou l’économie. Les journalistes auprès des agences de presse ou de la SSR sont nettement plus spécialisés que ceux qui œuvrent pour d’autres types de médias. Les hommes traitent plus souvent des sujets en lien avec la politique, l’économie ou le sport, alors que les femmes couvrent plutôt les domaines culture, société et lifestyle. Les journalistes multimédia de l’ère du Newsroom, actifs sur plusieurs canaux médiatiques à la fois, représentent un petit tiers des sondés.
Homme de 42 ans titulaire d’un diplôme universitaire
Statistiquement parlant, le journaliste suisse standard est de sexe masculin, a environ 42 ans et possède un diplôme universitaire. En moyenne, cela fait 15 ans qu’il travaille dans le journalisme à plein temps et il possède une expérience professionnelle en conséquence. Ce portrait n’a pas beaucoup évolué ces dernières années, malgré un réel bouleversement du paysage médiatique. Toutefois, depuis la dernière enquête menée il y a huit ans, le journalisme suisse est devenu légèrement plus féminin (39% de femmes en 2015 contre 35% en 2008), plus érudit (70% de titulaires d’un diplôme universitaire en 2015 contre 59% en 2008) ainsi que plus international (17% de passeports étrangers en 2015 contre 9% en 2008).
Les différences entre les journalistes s’observent essentiellement d’un type de média à l’autre. À titre d’exemple, les journalistes de la SSR se distinguent particulièrement de leurs confrères de la radiodiffusion ou télévision privée. Ainsi, les collaborateurs du service public sont sensiblement plus âgés, disposent d’une plus grande expérience professionnelle, sont mieux rémunérés et intègrent plus souvent des mesures de contrôle qualité au sein de leurs processus.
Les revenus des journalistes stagnent
Les revenus des journalistes suisses n’ont quasiment pas évolué et s’élèvent en moyenne à CHF 6000. Les femmes continuent d’être surreprésentées parmi les catégories de revenus les plus faibles. Par ailleurs, les journalistes travaillant en Suisse alémanique sont mieux rémunérés que leurs confrères des autres régions linguistiques.